Un enfant ferme les yeux et le silence avale son cri : la faim ne fait pas de bruit, mais elle ronge, partout, tout le temps. Derrière ce quotidien insupportable, une myriade d’acteurs s’agitent, logistique affûtée, réseaux solidaires, décisions en salle de crise. Pourtant, rares sont ceux qui peuvent nommer l’architecte principal de ce combat mondial mené depuis les arcanes de l’ONU.Pourquoi voit-on ce fameux logo bleu et blanc sur un sac de riz à l’autre bout du monde ? Qui arbitre l’urgence, choisit la route, décide de la destination quand sécheresses et guerres bouleversent l’équilibre fragile de l’alimentation mondiale ? Il y a urgence à lever le voile sur les véritables artisans de cette lutte acharnée contre la faim, trop souvent relégués à l’ombre.
La faim dans le monde : un défi humanitaire majeur
Le XXIe siècle peut aligner les innovations agricoles, le constat reste brutal : la faim persiste, indifférente aux frontières et aux prouesses techniques. Près de 735 millions de personnes vivent encore chaque jour le ventre vide. Guerres interminables, sécheresses imprévisibles, crises économiques : voilà le cocktail explosif qui déchire l’insécurité alimentaire, y compris dans des régions qu’on croyait préservées.
La malnutrition ne se résume plus à un simple manque de nourriture. Les carences, la faible diversité des aliments, la difficulté d’accéder à des produits frais ou sains composent un paysage bien plus complexe. Le Sahel, la Corne de l’Afrique, le Yémen en subissent la violence, mais la précarité alimentaire s’étend aussi dans les quartiers pauvres d’Amérique latine ou d’Asie du Sud.
Pour mieux comprendre les fondations de la sécurité alimentaire, il est utile de distinguer ses grands axes :
- La sécurité alimentaire repose sur quatre bases : disponibilité des ressources, accès réel à ces ressources, capacité à les utiliser correctement, et stabilité dans le temps.
- L’Organisation des Nations Unies coordonne la riposte mondiale grâce à ses agences majeures, dont la FAO et le Programme alimentaire mondial.
Les réponses, elles, se multiplient : aide d’urgence, soutien à l’agriculture locale, nouvelles stratégies face au climat. L’enjeu d’une sécurité alimentaire solide s’impose, invitant chaque pays à renforcer son autonomie, tout en intégrant la solidarité internationale dans l’équation.
Pourquoi l’ONU s’engage-t-elle contre l’insécurité alimentaire ?
Pour l’Organisation des Nations Unies, garantir à chacun de quoi se nourrir n’est pas un geste de charité, mais un droit fondamental. L’insécurité alimentaire mine les fondations de la stabilité politique et nuit à toute perspective de développement durable ou de paix durable.
L’adoption des Objectifs de développement durable (ODD) en 2015 a hissé l’élimination de la faim au second rang des priorités globales pour 2030. L’ONU ne se limite pas à l’aide immédiate : elle encourage une transformation profonde des systèmes alimentaires, pour que chacun puisse accéder à une alimentation saine et suffisante.
Dans l’ombre des projecteurs, le Conseil économique et social orchestre l’action des agences spécialisées. Voici comment :
- Le Programme alimentaire mondial (PAM) intervient en première ligne dès qu’une crise éclate, distribuant vivres et secours dans les situations critiques.
- La FAO travaille main dans la main avec les agriculteurs et impulse la transition vers des pratiques agricoles plus robustes face aux aléas.
- Le Fonds international de développement agricole (FIDA) investit dans les zones rurales pauvres pour briser le cercle infernal entre famine et pauvreté.
Pour avancer, l’ONU s’appuie sur la collaboration avec les États, les ONG, et le secteur privé. L’ambition : transformer en profondeur les pratiques agricoles, protéger les écosystèmes, et bâtir une gouvernance alimentaire solide, en particulier dans les régions où la faim s’accroche.
Le Programme alimentaire mondial : acteur clé de la lutte contre la faim
C’est dans l’urgence des années 1960 que le Programme alimentaire mondial (PAM) a vu le jour. Depuis, il s’est imposé comme le bras opérationnel de l’Organisation des Nations Unies pour apporter vivres et secours là où la faim menace. Présent dans plus de 120 pays, le PAM déploie une logistique impressionnante, parfois dans des conditions extrêmes.
L’année 2023 en dit long : près de 158 millions de personnes ont bénéficié de l’aide du PAM. Face aux conflits, à la flambée des prix, à la crise climatique, les besoins explosent. Mais le PAM ne se limite pas à l’envoi de rations : il intervient aussi pour soutenir la nutrition des enfants, aider les familles à rebondir après une catastrophe ou accompagner la reconstruction agricole.
Voici quelques-unes de ses actions principales :
- Acheminement de vivres dans les zones de guerre ou sinistrées par des catastrophes naturelles
- Distribution de repas scolaires pour renforcer l’éducation et la santé des enfants
- Soutien logistique aux autres missions humanitaires de l’ONU
Derrière cette organisation, une chaîne logistique hors norme : camions, avions, bateaux sont mobilisés pour atteindre des villages isolés. La coopération étroite avec la FAO et le FIDA permet de combiner aide immédiate et solutions de long terme, notamment en matière d’agriculture. Face à l’urbanisation rapide, aux conflits ou aux pandémies, le PAM adapte sa stratégie pour continuer à soutenir les plus fragiles.
Des résultats concrets et des défis à relever pour éradiquer la faim
Le Programme alimentaire mondial ne se contente pas d’aligner des bilans : ses interventions ont changé le destin de millions d’individus. Entre 2000 et 2015, la part de la population mondiale touchée par la sous-nutrition a chuté de près de 40 %. Les progrès restent visibles dans des zones comme l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine, grâce à la synergie entre initiatives locales et leviers internationaux. Des structures comme les Restos du Cœur s’inscrivent dans ce maillage solidaire.
Pourtant, la dynamique s’essouffle. Depuis 2017, la faim regagne du terrain. Les catastrophes climatiques se multiplient, les conflits s’enlisent, la pauvreté s’ancre : autant d’obstacles qui compliquent la marche vers un monde sans faim. L’objectif de zéro faim à l’horizon 2030 s’éloigne, sauf changement de cap radical.
Pour avancer, certains leviers deviennent décisifs :
- Accélérer la transition agroécologique et développer l’agriculture durable pour préserver les ressources et garantir des récoltes fiables
- Réduire le gaspillage alimentaire, qui prive chaque année des millions de personnes d’une alimentation saine
- Adapter les systèmes alimentaires face à des crises économiques et climatiques de plus en plus fréquentes
Il reste à mieux coordonner les efforts, à renforcer le financement sur la durée, à placer les communautés au cœur de la lutte contre la faim. L’avenir de la sécurité alimentaire mondiale se jouera sur cette capacité à conjuguer urgence et solutions ancrées dans les territoires. Le chemin est incertain, mais la faim n’a rien d’une fatalité immuable. Tant qu’il y aura des bras tendus, la bataille se poursuivra, jusque dans les silences les plus profonds de la planète.


